Du bruit pour les robots
Une fois n’est pas coutume, cette nouvelle session proposée par Elrozé ne comporte ( presque ) aucune œuvre musicale. Pas de compositeur ou de musiciens à l’honneur ici, simplement, une ode aux architectes sonores qui accompagnent des films ayant marqué l’histoire du cinéma : les sound designers. Et plus particulièrement dans un genre, la science fiction, qui en fait un usage immodéré.
Car en SF, plus qu’ailleurs, les bruiteurs doivent jongler entre créativité, pour inventer des nouveaux sons, et réalisme, pour les rendre crédibles. Mais comment rendre vraisemblables des bébêtes plus horribles les unes que les autres ou des engins inexistants dans la vraie vie ?
Commençons par Forbidden Planet.
La bande son de cette aventure spatiale ( l’une des toutes premières à bénéficier de la couleur et du format cinémascope ) réalisée par l’américain Fred McLeod Wilcox et sortie sur les écrans en 1956, n’utilise pas le moindre instrument. Le couple Louis et Bebe Barron qui la conçoit utilise à la place des circuits électroniques et différents traitements tels que la variation de la vitesse de lecture des bandes, l’inversion du sens de lecture, ou l’utilisation de filtres fréquentiels. Jamais une bande originale n’a été construite ainsi auparavant. Elle renforce l’exotisme galactique du film en créant un univers irréel, presque abstrait. Pour la petite histoire, le syndicat des musiciens s’opposera fermement à ce que les compositeurs soient qualifiés de musiciens. Ils hériteront à la place du titre de...faiseurs de sons électroniques (electronic tonalities).
20 ans plus tard, George Lucas livre le premier volet de la saga à sabres lasers la plus bankable de l’histoire, Star Wars. Alors que l’électronique est devenu la norme en science-fiction après la sortie de Forbidden Planet, le sound designer Ben Burtt choisit d’aller à contre courant en tentant de produire des sons à la tonalité plus naturelle. C’est en mixant le bourdonnement d’un vieux projecteur avec celui d’une télévision cassée qu’il trouve ainsi le son caractéristique des fameux sabres. Pour les pistolets lasers, il ira jusqu’à frapper des émetteurs radio avec un marteau pour obtenir le son qu’il recherchait. Sa collaboration avec George Lucas est justement récompensé par l’Oscar du meilleur son et lui vaut d’être débauché par un certain Steven Spielberg avec qui il décrochera pas moins de 3 statuettes supplémentaires pour Les aventuriers de l’Arche perdue, E.T et Indiana Jones.
Encore deux décennies plus tard, une autre saga voit le jour, cette fois mettant en scène des humains se battant non pas au cœur de l’espace mais dans un monde virtuel commandé par des intelligences artificielles. Réalisé par les frères Wachowski, Matrix déclenche un nouvelle révolution sonore en exploitant toutes les possibilités offertes par le format numérique. En faisant transiter les bruitages à travers différents logiciels, l’équipe son dirigée par le sound-designer Dane Davis s’était fixé une règle : ne jamais refaire ce qui s’est déjà fait par le passé, y compris sur des thématiques déjà éprouvées comme les arts-martiaux ou les scènes avec coups de feux ou explosions. Tendez l’oreille et vous découvrirez dans des scènes « classiques » des coups de feux au ralenti ou des chutes de douilles atypiques voire anti-nature parfois (lecture inversée) et pourtant se fondant à la perfection dans l’ensemble.
Mais rassurez vous. Une session Radio Pacoul ne pouvant supporter l’absence totale de musique, El Rozé nous laisse avec un morceau bonus de Rage against the Machine, groupe qui contribua à faire de la bande son de Matrix celle d’une génération.
Bonne projection.