Cabo Verde
Les légendes ont la vie dure. Celle concernant la rencontre entre la musique capverdienne et la modernité remonte aux années 60 mais elle continue aujourd’hui à être raconté par les médias les plus sérieux.
De quoi s’agit-il ?
Eh bien figurez-vous un matin de 1968, sur l’île montagneuse de São Nicolau, l’une des dix îles volcaniques composant l’archipel, alors propriété des Portugais depuis qu’il l’ont découvert inhabité en 1456 et converti en tête de pont de la traite des esclaves. Ce matin là donc, les habitants ont la surprise de découvrir au beau milieu de leurs plantations de café un énorme cratère. En son sein : un cargo. A l’intérieur des soutes, ils y trouvent synthétiseurs, orgues électriques et autres boîtes à rythmes. Les experts l’affirment : le navire serait tombé du ciel. Le chef révolutionnaire et anticolonial Amílcar Cabral ordonne alors que ces outils venus de l’espace soient distribués à la population afin d’inculquer aux plus jeunes une éducation musicale et développer ainsi l’identité culturelle cap-verdienne.
Véridique ou fantasmé par un Stanley Kubrick lusophone, cette histoire marque le début de la musique amplifiée au Cap-Vert. Une génération de jeunes compositeurs – Paulino Vieira ou Pedrinho en tête – commencent en effet dès le début des années 70 à incorporer l’électronique à des styles musicaux traditionnels tels que les mornas, les coladeras et le funana. A l’indépendance, obtenue de haute lutte en 1975, l’instauration d’un régime marxiste pousse nombre d’entre eux à l’exil. Et comme souvent dans l’histoire, c’est dans les bras de l’ancien colonisateur qu’ils trouvent refuge. C’est à Lisbonne que Cesaria Evora rencontre Josè Da Silva, un jeune français originaire du Cap-Vert, qui devient son producteur et la persuade de partir pour Paris. Elle y enregistrera à 47 ans son tout premier album et deviendra aussitôt l’icône internationale de la Morna, le blues version Cap-Vert. Si la chanteuse aux pieds nus a popularisé à travers le monde cette musique nostalgique et plaintive, le reste de la scène musicale se nourrit d’une culture métissée où les rythmes africains rencontrent l’accordéon portugais, le psychédélisme puis le hip-hop américain, pour ambiancer les carnavals et autres festivités.
Métissage, guerre, vaisseaux de l’espace, carnavals...non, malgré l’exode, on ne s’ennuie pas au Cap-Vert. Et ça fait longtemps que ça dure.