Les micros-comptoirs

La bourgeoisie

Cette mal-aimée

Posez la question autour de vous : qui revendique une quelconque appartenance à la classe sociale que l’on nomme "bourgeoisie" ? Pas grand monde assurément. En tous cas, personne parmi celles et ceux rencontrées par Gégé, notre éternel stagiaire.

Difficile effectivement de s’apparenter à une condition dont les anarchistes et les marxistes ont, à la fin du XIXém siècle, identifié comme cible principale de leur lutte des classes. Le bourgeois serait l’ennemi du peuple, celui qui domine et exploite les travailleurs. Pourtant, historiquement, le bourgeois, nous apprennent les dictionnaires, est un simple habitant du bourg, "une personne appartenant à la classe moyenne d’une ville, jouissant des droits attachés à ce titre" selon Le Littré. "Individu sans distinction, qui n’a que des goûts vulgaires" ajoute avec impertinence le Larousse. On le distingue dans tous les cas du salarié, du paysan, du militaire, du noble et du membre du clergé. Ne resterait dès lors que le commerçant, l’artiste, l’artisan ou...le mendiant.

Pas si simple. Les personnes interviewées par Gégé définissent le bourgeois comme un être entretenant un lien particulier à l’argent, au pouvoir et à l’histoire. Il convoite, il possède et il défend des biens acquis parfois sur plusieurs générations. Un rapport souvent décrit comme néfaste à l’ensemble de la population. Mais puisqu’il y a toujours plus bourgeois que soit, n’occuperait-il pas la place de cet Autre, celui qui ne nous ressemble pas ou auquel on ne souhaite pas ressembler, et que l’on accuse de tous nos maux comme on a pu le faire, ou que l’on fait encore, à l’encontre du juif, du musulman, du rom ou plus généralement du migrant ?

Fernand Braudel et Ernest Labrousse, dans leur monumentale Histoire économique et sociale de la France, indiquaient qu’à la veille de la Révolution française, on estimait le poids de la bourgeoisie à environ 8,4 % de la population. De nos jours, et dans un monde globalisé, plus de 60% des français sont propriétaires de leur logement et font partie des 10% les plus riches de la planète. Plus largement, 90% d’entre eux appartiennent aux 20% les plus aisés sur terre. Ces 20% ont, au cours des dernières décennies, mis en place de grandes institutions internationales telles que le G7, le G20, l’OMC et l’ONU afin de défendre leurs prérogatives face à un monde désireux de s’affranchir de leur tutelle. De quoi relancer la question :
sommes nous tous le bourgeois d’un autre ?

Pour ne pas avoir su répondre à cette question au cours de son reportage sonore, mais aussi en raison de ses origines prolétaros-bourgeoises, Gégé s’est bien évidement vu refuser toute promotion au sein de notre radio.