La bataille de New-York
On peut vouloir faire l’amour plutôt que la guerre, il arrive toujours un moment où il faut se battre pour ses idées. Porter des fleurs dans les cheveux en consommant du LSD n’échappe pas à la règle.
Après l’immense retentissement médiatique du Summer of love de San Francisco en 1967, la culture hippie s’est rapidement répandue à l’ensemble des villes américaines. Non sans heurts. Et en tout premier lieu dans la capitale culturelle.
Dés l’été 67, alors que 200 000 jeunes convergent du monde entier vers San Francisco, quelques dizaines d’entre eux investissaient le Tompkins Square Park, 4 hectares de verdure plantés à l’est de l’East Village à Manhattan, pour y jouer des bongos jour et nuit. Trop fort selon une partie des habitants qui protestèrent très vite, et tout aussi bruyamment, auprès des autorités. Résultat : des batailles rangées opposent tout l’été hippies, protestataires et forces de l’ordre. St. Mark’s Place, entre les seconde et troisième avenues, devient alors the place to be pour qui souhaite se perdre dans une des nombreuses soirées psychédéliques qui s’y organisent spontanément, au grand dam de certains habitants et commerçants. La tension entre new-yorkais "historiques" et "pacifistes" ne fit que s’accentuer au fil des semaines.
Le point de non retour est atteint en octobre quand on retrouve les corps sans vie d’une jeune fille de bonne famille et de son petit copain dealer dans la chaufferie d’un immeuble de l’Avenue B, les visages déformés par des coups de briques. Les hippies comprennent alors que poser une fleur au bout de leur fusil ne suffira jamais à mener à terme leur révolution. Il leur faut le changer d’épaule. La contre culture doit battre en retraite pour mieux revenir. Mais ou ?
Pourquoi pas Woodstock se demande au début de l’année 1969 le jeune Michael Lang qui vient d’y installer son studio d’enregistrement ? A moins de deux heures depuis New-York par la Route 87, cette petite ville des Catskills héberge depuis le début du XXém siècle une communauté centrée sur l’activité artistique et le militantisme progressiste. Bod Dylan lui-même y a élu domicile en 1965. Mais l’idée d’y organiser un festival façon Summer of Love est loin de faire l’unanimité parmi les habitants. Progressiste oui, mais pas trop. C’est alors qu’intervient le fermier Max Yasgur. Pour 50000$, il propose de louer ses terres situées à Bethel...100 km plus à l’ouest. Effrayés par la connotation religieuse du lieu, mais sans solution de rechange, les organisateurs acceptent. Sans changer le nom de l’événement.
Prévu pour se dérouler du 15 au 17 août 1969 et accueillir 50 000 spectateurs, le festival en accueille finalement environ un demi million, et se poursuivit un jour de plus, soit jusqu’au 18 août 1969 au matin. 32 groupes et solistes se succèdent pour immortaliser ce qui devient l’un des plus grands moments de l’histoire de la musique populaire. Il donnera lieu à 5 162 interventions médicales dont 797 liées à la drogue, 2 naissances, 4 fausses couches, et 3 morts (une par overdose, une accidentelle écrasé par un tracteur pendant qu’il dormait et une mort consécutive à une crise d’appendicite). Les vaches de Max Yasgur sont saines et sauves. La bataille de New-York, bien que située à Woodstock et se déroulant à Bethel, est gagnée.