La Planète Six

Granados

Goyescas

Quand Goya est dans un bateau, le bateau coule. Que reste-t-il ? La musique.
Explications.

Le pianiste Enrique Granados fut avec Isaac Albéniz, Manuel de Falla et quelques autres l’incarnation du renouveau de la musique espagnole à la fin du XIXém s. Nourrit tout autant des œuvres de compositeurs français tels que Gabriel Fauré, Claude Debussy ou encore Maurice Ravel, que de musique populaire locale, Granados eu à cœur de redonner à son pays un éclat international que seul le flamenco était alors en mesure d’offrir.

Son premier récital Maria del Carmen lui assura une notoriété royale en 1890 mais ce sont ses pièces pour piano inspirées par les toiles de Goya, les Goyescas, qui lui valurent une reconnaissance à l’échelle planétaire quelque vingt ans plus tard. Pressé par l’opéra de Paris d’adapter ces pièces en livret, il se mit à l’ouvrage, impatient de jouer dans la capitale française. Mais l’éclatement de la première guerre mondiale vint tout remettre en question. Ne pouvant traverser les Pyrénées, Enrique Granados s’embarque alors pour New-York afin de présenter son opéra au Metropolitan Opera. Le succès est immédiat.

« Enfin, j’ai vu mon rêve réalisé... Il est vrai que ma tête est pleine de cheveux blancs, et que je commence à peine mon œuvre, mais j’ai confiance et je travaille avec enthousiasme...Toute ma joie actuelle, je la ressens plus pour ce qui doit venir que pour ce que j’ai fait jusqu’ici. Je songe à Paris et je nourris un monde de projets. » écrit-il à l’issue de sa tournée américaine.

Le 24 mars 1916, sur le chemin du retour, son bateau eut le malheur de croiser un sous-marin allemand. La torpille qui coupa en deux le paquebot envoya Granados, sa femme et une centaine d’autres passagers au fond de l’océan, mettant ainsi un terme à ce "monde de projets".

Reste donc la musique en elle-même. Les peintures dont s’est inspiré Granados pour la composer parlent mieux qu’un long discours :
Le Pantin, Le Militaire et la Dame, Duel au Gourdin, et pour finir, Une Manola : Leocadie Zorrilla. Cette dernière toile faisait partie de la série des peintures noires avec lesquelles ce gai-luron de Goya décorait les murs de sa maison. Elle représente, dans des tons bleu, ocre et noir, une femme d’age mur en deuil, le coude posé sur une tombe.

Ajoutons que le sous-titre de l’opéra est "Los Majos enamorados", les jeunes amoureux, et vous aurez compris que cette histoire d’amour impossible est la musique idéale pour la drague. Conseil d’El Rozé : éviter celui ou celle qui préfère l’amour en mer, qui aime le vent et tout ce qui porte un drapeau même et surtout s’ils connaissent le nom des petits et des grands bateaux.