New-York was killing him
Elevé en grande partie par sa grand-mère à Jackson, une ville du Tennessee fondée par des colons tirant parti de l’esclavage, New-York est la ville où le musicien, poète et romancier Gil Scott-Héron se révèle au monde. C’est également dans la grande pomme que la mort viendra le chercher en mai 2011, aidée dans sa tache par ses diaboliques compères Crack et Sida.
Figure majeure du spoken word, un art vocal qu’il utilisait pour déclamer ses textes traitant de sujets sociaux et politiques sur une musique intégrant le jazz, le funk et la soul, reconnu comme l’un des « Godfathers of Rap », Scott-Heron se définissait lui-même comme un "bluesologist", sans doute pour mieux souligner son intérêt pour toutes les formes musicales qui prennent racines dans les champs de coton américains.
De son premier album, Small Talk at 125th and Lenox enregistré en 1970, à son dernier I’m New Here publié en 2010, la capitale culturelle américaine n’aura cessé d’habiter ses chansons. Six ans après ses débuts, le chanteur publiait déjà son septième album It’s your world, dans lequel il déclarait sa flamme pour la ville qui faisait de lui un roi ( « New York City, I don’t know why I love you. Maybe it’s because you’re mine » ). Sa carrière continua à un rythme effréné jusqu’au début des années 80 au moment où le crack envahit les rues de la ville. Un long silence discographique s’ensuivit, seulement interrompu en 1994 par l’album Spirits dans lequel il réglait ses comptes avec le monde du rap, l’accusant de reprendre ses textes et sa musique tout en détournant son message politique d’émancipation des noirs.
Au début du XXIém siècle, Gil Scott-Heron n’est plus que l’ombre de lui-même, restant enfermé à son domicile de Manhattan où il enchaîne les pipes de crack quand il n’est pas en prison pour les mêmes raisons. C’est alors que Richard Russell, le patron du label XL Recordings, le convainc de reprendre le chemin des studios. Ensemble, ils enregistrent son dernier album, stupéfiant par la modernité musicale accompagnant la voix éraillée et poignante de Gil et dont le clip sur 3 écrans réalisé par Chris Cunningham souligne l’aspect fantomatique du chanteur. New-York n’est alors plus la ville aimée mais celle qui le retient prisonnier de ses démons :
« Bunch of doctors coming round, they don’t know
That New York is killing me
Yeah I need to go home and take it slow in Jackson, Tennessee »